Tout n'est pas rose : quelques précisions sur la production mondialisée de la rose

Vous le connaissez, ce marronnier de la Saint Valentin : les roses rouges en février, il faut les oublier. Cette année, ce sujet habituel est appuyé par un épisode de l’émission “Sur le Front” du journaliste Hugo Clément diffusé lundi 7 février sur France 5 à 21h. On y apprend que les roses cultivées au Kenya sont bourrées de pesticides, désaisonnalisées, et que leur production est dommageable pour les personnes qui les cultivent autant que pour l’environnement. On dira que les roses rouges ne sont pas de saison et qu’il ne faut pas en commercialiser pour la Saint Valentin. Nombre de téléspectateurs en conclueront qu’ils ont été bernés une fois de plus et n’achèteront plus de fleurs, du tout.

De notre côté, nous ne proposons des roses qu'entre avril et novembre et essentiellement de la production francilienne, même s'il nous arrive d'avoir un petit peu de production varoise pour des commandes spéciales. Le sujet des pesticides nous préoccupe depuis notre création et nous l'avions d'ailleurs évoqué ici. 

Faut-il pour autant condamner les fleuristes qui proposent des roses à la Saint Valentin ? Parce qu’on sait que vous êtes prêt.e.s à encaisser des raisonnements un peu plus subtils, allons-y. 

Une offre alternative aux roses pour la Saint Valentin

Idée reçue numéro 1 : c’est aux fleuristes d’y renoncer, il faut proposer des alternatives. A Paris, c’est facile : la proximité de Rungis permet d'avoir accès à la production varoise de saison (renoncules, anémones, pavots, mufliers, tulipes, mimosa...) durant toute la saison. Mais quand vous êtes en région, que vous n’avez pas de marché de gros à proximité et que le seul approvisionnement disponible est un camion hollandais, on a parfois pas beaucoup le choix. Ces camions "grossistes" viennent chez les fleuristes et leur proposent de choisir leur marchandise directement dans le camion. Dans une grande partie des cas, ces grossistes appartiennent à des groupes hollandais et s'approvisionnent directement sur le marché d'Aalsmeer aux Pays-Bas. Ce marché est le premier point d'entrée de la marchandise mondialisée et traite quotidiennement 21 millions de tiges de fleurs en provenance de Hollande mais aussi du Kenya, d'Ethiopie, d'Equateur et de Colombie. Les productions sont majoritairement désaisonnalisées car situées sous la ligne de l'équateur, ou la luminosité et la température sont stables toute l'année. Un grossiste hollandais typique propose toute l'année les mêmes fleurs, et même des pivoines de Nouvelle-Zélande en hiver. Et quand ce grossiste est le seul approvisionnement possible pour un fleuriste,  le fleuriste en question n'a bien souvent pas accès à la majeure partie de la production du Sud de la France. Il y a donc urgence à réfléchir autrement la distribution de fleurs, à encourager les fermes florales s'implantant en région et les grossistes faisant l'effort de mettre en valeur cette production française hivernale d'anémones et de renoncules. 

Le documentaire d'Hugo Clément s'attarde sur l'alternative proposée par une start up qui a fait planter des rosiers par un producteur de Rennes. Ce reportage a fait l’objet de choix éditoriaux que l’on trouve dommage, particulièrement parce que le Collectif de la Fleur Française a été coupé au montage. C’est aujourd’hui l’initiative la plus large existante autour de la fleur locale et qui regroupe des fleuristes, productrices et producteurs et grossistes. Aujourd’hui, nous sommes 300 à nous engager quotidiennement pour ramener la fleur en France et faire en sorte qu’elle arrive chez vous sans avoir fait le tour du monde. L’initiative présentée dans le reportage est celle d’une start up ayant levé des millions d’euros pour porter un message politique, et tant mieux pour la filière car il faut avoir les moyens de porter des messages au plus haut de l’échelle, mais les acteurs de l’économie réelle, ceux au plus proche de la terre et des clients, sont tout aussi importants pour mailler le terrain. 

Aujourd’hui, les réalisations décrites ne sont pas d’une efficacité folle et l’impact est surtout dans la communication. Ainsi, Jean-Michel Leven présenté dans le reportage produisait de très beaux hortensias qu’il livrait à Rungis deux fois par semaine. Il a planté quelques rosiers pour faire un test, et ne vient désormais plus à Rungis. Nous trouvons intéressant qu’il explore un autre modèle plus local (même si ses hortensias nous manquent), à l’image de toutes les fermes florales qui se montent en région et même à Paris, référencés sur le site du Collectif de la Fleur Française. A côté de ça, on a surtout en cette saison une très belle production dans le Var de fleurs de saison (renoncules, anémones), avec une centaine de producteurs mobilisés dans cette région et des efforts significatifs pour réduire les traitements grâce au SCRADH, le centre de recherche horticole de Hyères. Se tourner vers cette production est clé pour permettre aux fleuristes engagés de passer l’hiver. 

En février, pas de roses en France ? 

Idée reçue numéro 2 : il n’y a pas de roses en France à la Saint Valentin. Pour nous qui sommes en Ile-de-France, la saison des roses démarre bien en avril-mai pour se terminer en novembre. Elles sont cultivées sous serres sans chauffage par des passionnés, et les variétés sont extraordinaires et souvent parfumées. Cela dit, il existe dans le Var des producteurs de roses qui les cultivent toute l’année, dans des conditions nettement meilleures que les roses kenyanes : les serres sont chauffées mais à dose raisonnable, et parfois comme chez Benjamin Fourmillier, avec un équipement photovoltaïque qui permet de limiter au maximum les émissions de carbone. Les fleurs sont traitées ponctuellement avec des produits autorisés en France et viennent de beaucoup plus près. 

La rose reste la fleur la plus vendue en France et représente 38% des tiges commercialisées. Sur toutes ces tiges, seules 3% de celles proposées à Rungis sur une année sont françaises (source : La rose en 2015-2016, bilan de campagne, Réseau des nouvelles des marchés FranceAgriMer). Il est donc important de préserver un savoir-faire qui permet aujourd'hui à des horticulteurs varois de vivre et de tester de nouvelles méthodes de production plus responsables. 

Aux fleuristes qui ont le sentiment de ne pas pouvoir échapper à la rose rouge, mais qui ne veulent pas pour autant cautionner la mondialisation à outrance de la production : il existe des roses rouges du Var pour la Saint Valentin, et vos grossistes peuvent vous aider à en approvisionner. 

Et à tous, voici notre bouquet de Saint Valentin, garanti sans roses rouges, mais avec de belles anémones, renoncules et pavots du Var !

bouquet de saint valentin écoresponsable sans roses
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Désirée, fleuriste engagé

Désirée est un fleuriste 100% fleurs françaises et de saison, en livraison à Paris en vélo.

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