Anémones, tulipes, renoncules, narcisses : la plupart des fleurs d’hiver sont issues de bulbes. Elles ont la particularité de sortir de terre par temps froid, grâce aux réserves accumulées dans leur organe de stockage souterrain. La force qui leur est nécessaire pour sortir de terre se révèle dans l’éclat et la matière de leurs pétales.
Les bulbes : en majorité des hybrides
Ces fleurs sont pour une bonne majorité nées d’une hybridation, et on ne peut les replanter d’une année sur l’autre. La fin de l'hiver est une saison qui nous pose des questions essentielles : nous fleuristes devons-nous nous priver de débouchés en cette période froide et morne, qui appelle au contraire à fleurir son intérieur pour égayer nos courtes journées ? Devons-nous cesser d’acheter ces fleurs, produites dans le Var ou en Ile-de-France, au nom de l’intégrité du végétal et refuser de cautionner la mainmise des semenciers et des obtenteurs de bulbes sur le marché de la fleur coupée, au détriment des producteurs ?
Semences et nuances
Il nous semble qu’une voie médiane est possible, dictée par le principe de réalité : la filière horticole française est à la fois très ancienne et très jeune. Très ancienne, car elle est implantée depuis des centaines d’années, et que bon nombre de nos producteurs sont la troisième ou quatrième génération à cultiver l’exploitation. Le poids des traditions se ressent dans les techniques de culture et les variétés cultivées : il n’est pas aisé, quand on reprend l’exploitation de ses aînés, de passer outre les investissements financiers et humains déjà réalisés pour révolutionner la production. Le passage d’une horticulture intensive, demandeuse en investissements et parfois en intrants ne peut se faire sur une génération, et nécessite une prise de conscience générale qui commence par nous fleuristes et nos clients. Et dans cette chaîne que constitue une filière, bien souvent tous les acteurs se renvoient la balle : les clients continuent à exiger certains types de fleurs traitées, hybridées ou hors saison, les fleuristes ne sont pas toujours en possession des informations nécessaires à l’éclairage de leurs clients sur la saison ou la provenance, et continuent à demander à leurs grossistes et producteurs des variétés qui ne sont certainement pas les meilleures pour la planète. Les producteurs finissent alors par s’accrocher à la demande pour justifier la culture de variétés qui ne sont pas pour eux le meilleur pari économique et environnemental.
La filière, telle que nous la voulons, engagée et responsable, est très jeune, et pas encore très rentable. Seuls quelques producteurs ont aujourd’hui fait le pari de l’horticulture extensive de variétés champêtres, sans intrants, et s’en sortent suffisamment pour se rémunérer. Quand les intérêts économiques auront rejoint les intérêts sociaux et environnementaux, quand nous parviendrons à valoriser ce travail et ces méthodes, alors nous serons parvenues à nos fins.
En attendant, nous assumons nos contradictions et continuons à travailler ces variétés hybrides, ce que nous n’approuvons pas, produites par des humains que nous aimons et dont nous aimons le travail, en France, et dans des conditions sociales et environnementales somme toute meilleures que la moyenne, puisque la plupart de nos producteurs du Var sont labellisés GlobalG.A.P, label d’engagement pour les bonnes pratiques agricoles, et que la production francilienne est exemplaire dans son utilisation rationnée d'intrants.